Retour à Killybegs

Ce roman nous emmène en Irlande et nous plonge dans l’histoire récente de ce pays marqué par l’affrontement des Catholiques et des Protestants. C’est tellement vivant, réaliste et poignant que j’ai cru lire un témoignage. Tyrone Meehan revient dans le village de son enfance, en Irlande. Il est rejeté par les siens, son récit nous raconte sa vie et l’enchaînement des évènements.

En 1942, à la mort du père, la famille part en Ulster, accueillie par un oncle. La position des catholiques Irlandais est mal vue car ils considèrent que tout ce qui affaiblit l’Angleterre est bon pour eux, ce qui n’est pas l’avis des anglais en guerre. Après avoir subi l’assaut de loyalistes, la famille se réfugie dans le ghetto catholique et les garçons rejoignent les mouvement proches de l’IRA, d’abord en scouts, puis comme soldats.

Tyrone prend part à tous les combats et devient un héros pour avoir résisté et défendu sa rue avec son ami Dany Finley. Dany est mort au combat par la faute de Tyrone, mais personne ne le sait et il garde son secret. Comme beaucoup de combattants catholiques, Tyrone est arrêté à plusieurs reprises et notamment en 1981. C’est la lutte des irlandais contre le gouvernement de Thatcher, la bataille pour se faire reconnaître prisonniers politiques qui a entraîné les grèves de la faim, la mort de Bobby Sands et de tant d’autres. Tyrone n’est pas été gréviste, mais le récit de son emprisonnement, de la résistance des catholiques, est hallucinant.

A sa sortie de prison, il est recruté par les anglais comme agent : ils se servent de son passé et de la mort de Finley pour le décider. Son acceptation est pour lui un moyen de se racheter et il se persuade qu’il ne va pas trahir ses camarades, que les informations seront sans importance, ce en quoi il se trompe. Après les accords de paix entre l’IRA et le gouvernement, il croit être tranquille, mais les anglais le lâchent et préviennent les irlandais de sa trahison. Il admet mais ne cherche pas  se justifier et ses anciens compagnons d’armes ne peuvent pas le condamner sans mettre en cause leur bonne volonté dans processus de paix. Il devient un paria et attend la mort, se doutant bien que des francs-tireurs ne vont pas lui pardonner.

Je suis admiratif du soutien indéfectible des épouses : Sheila, l’épouse de Tyrone, est toujours présente, sans se plaindre, sans demander de justifications ; elle incarne le soutien de la population, sympathisante, militante mais qui n’a pas directement pris part aux combats.

Pendant des années, les informations nous ont fait part des attentats en Irlande du Nord, des menaces terroristes, des marches et interventions des loyalistes. Ce roman nous faut vivre ces évènements  à hauteur d’homme, il nous fait partager le combat des Irlandais mais garde quand même une distance avec les faits et nous fait vivre la complexité de l’engagement et des choix de Tyrone.

Sorj Chalandon – Retour à Killybegs – Grasset 2011 – Prix de l’Académie Française


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