Le mystère français

J’ai écouté les deux auteurs avec intérêt dans La grande Librairie de François Busnel et dans Les retours du dimanche sur France Culture. Leur propos passionnant m’a donné envie de lire leur ouvrage.

Celui-ci se révèle intéressant mais ardu ; je me doutais bien qu’il ne se lirait pas comme un roman, mais je dois avouer que j’ai parfois eu du mal à raccrocher les wagons. Certes, il y a des cartes mais l’exposé fait appel à des notions qui mériteraient d’être exposées un peu plus clairement, ou du moins d’avoir un glossaire pour les néophytes.

Tout d’abord une bonne nouvelle, ce livre rompt avec le catastrophisme ambiant et trouve que la France ne va pas si mal, en tout cas, qu’elle a de beaux atouts. J’aime bien leur analyse qui parle des « 30 glorieuses culturelles » au lieu des 30 piteuses pour qualifier les années qui ont suivi les 30 glorieuses économiques.

La thèse de Le Bras et Todd, appuyée par les cartes, dit que la France est structurée par le type de structure familiale et d’habitat ainsi que par le rapport à la religion. Ces données régionales traversent les siècles, se confirment malgré les évolutions depuis 1945 et expliquent aussi les évolutions politiques.

Les structures familiales, familles souches/communautaires ou familles nucléaires/complexes, et le mode d’héritage créent un rapport à l’égalité qui est renforcé par le type d’habitat, isolé ou regroupé. L’analyse du rapport à la religion vient renforcer l’analyse : un vieux fond laïc/révolutionnaire est en opposition à l’imprégnation catholique. Curieusement, même si la pratique religieuse a quasiment disparu, les auteurs définissent un « christianisme zombie », survivance culturelle du religieux.

Une grande partie du livre étudie l’évolution des Français, notamment en termes d’éducation. La forte hausse du niveau d’éducation, corrélée à un appauvrissement des jeunes diplômés et à l’importance du chômage chez les jeunes sans diplôme, crée une peur du déclassement dans les classes moyennes, renforcée par la désindustrialisation qui touche tout le territoire.

Autre motif de tension : l’analyse des inégalités montre que celles-ci sont plus fortes dans les régions traditionnellement égalitaires du fait de l’habitat ou de la structure familiale (égalité rêvée). En revanche, l’étude de l’immigration dément la peur de l’invasion et montre que l’immigration intérieure est plus forte et garde une dualité Est/Ouest (Lotharingie vs Plantagenêt).

Pour finir, les auteurs appliquent leur analyse aux évolutions politiques. Certes, ils sont très durs vis-à-vis du monde politique qui ne comprend rien aux évolutions et continue d’appliquer des schémas usés, mais ils prévoient une stagnation et un repli de FN qui perd sa base sociologique.

Hervé Le Bras, Emmanuel Todd – Le mystère français – co ed La république des idées/Le Seuil 2013


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