Arianisme

La position de Jésus dans la hiérarchie divine est un des dogmes du christianisme, difficilement explicable de façon rationnelle. Il n’est pas étonnant que ce point ait donné lieu à de grandes controverses sur la nature humaine ou divine du Christ, sa prééminence ou sa ressemblance à « Dieu le Père ». Une autre grande controverse porte sur la nature du Saint-Esprit (querelle du Filioque) et causera le schisme entre les églises orthodoxe et catholique (1054).

La discussion sur la nature du Christ a été particulièrement vivace au cours du IVe siècle, avec la lutte entre l’arianisme et l’église orthodoxe, et a durablement marqué les esprits. Près d’un siècle plus tard, Jacques de Voragine l’évoque à plusieurs reprises dans la La Légende dorée et parle de l’arianisme comme d’une hérésie majeure, d’une « peste », alors qu’il évoque à peine les Cathares qui ont pourtant été massacrés peu de temps auparavant.

L’arianisme est dû au théologien alexandrin Arius qui remet en cause la nature divine du Christ. Il gagne vite des partisans mais sa doctrine est condamnée par le concile d’Alexandrie en 320 et celui de Nicée en 325. Lors de ce concile, Athanase définit le dogme catholique qui énonce que le Christ est consubstantiel du Père. Les choses auraient pu en rester là si la politique ne s’était pas mêlée de religion. Constantin souhaite l’unité politique et religieuse de son empire et défend les décisions du concile. Son entourage n’est pas forcément du même avis et Athanase, devenu patriarche d’Alexandrie, est exilé quelques temps à Trèves. Arius meurt peu après le concile, en 336, et Voragine se réjouit de sa « mort misérable, tous les intestins lui sortirent du corps par le derrière ».

A la mort de Constantin (337), l’empire est partagé entre ses fils : l’Orient pour Constance, la Gaule pour Constantin et l’Italie pour Constant. Constantin ne règne que 3 ans et son territoire est repris par Constant. En Orient, Constance adopte l’arianisme alors que Constant reste catholique. Athanase est de nouveau exilé et va demander du secours à Rome. A la mort de Constant (350), Constance devient le seul empereur et tente d’imposer l’arianisme comme religion d’état en Occident à l’occasion des conciles d’Arles (353) et de Milan (355). Au concile d’Arles, l’arianisme est défendu par Saturnin d’Arles, alors Primat des Gaules, opposé à Hilaire de Poitiers qui est soutenu par le pape Libère. Les opposants au concile, Hilaire et Libère sont exilés.

La Légende dorée relate les épisodes concernant Hilaire de Poitiers en France et Eusèbe de Verceil. Evêque de Poitiers, Hilaire a été en conflit frontal avec Constantin II, il est largement magnifié par Voragine car il « défend contre les hérétiques non seulement son diocèse mais la France entière » . De même, lors d’un concile où il ramène les évêques « dans le droit chemin », le pape qui veut s’opposer à lui meurt de dysenterie pour l’avoir humilié. Il a bien participé au concile d’Arles que Constance avait convoqué pour condamner Athanase et a été exilé en Orient pour s’être opposé à la volonté impériale.

Martin de Tours a été le coadjuteur d’Hilaire et l’a suivi en exil. Voragine dit qu’il a assisté à l’arrivée de l’arianisme à Pavie et à Milan alors qu’il allait y voir ses parents. Bien sûr, il est le seul à lutter contre l’hérésie, ce qui lui a valu d’être battu et chassé.

En Italie, justement, un autre opposant à la volonté impériale d’imposer l’arianisme est Eusèbe de Verceil qui « purge [de l’arianisme]  l’Occident pendant qu’Athanase purge l’Orient ». Les hérétiques ont beau faire fermer les églises, elles s’ouvrent toutes seules sur la prière d’Eusèbe…

Le titulaire de l’évêché de Verceil, actuellement Vercelli dans le Piémont, était alors Primat d’Italie et sa position importante. Eusèbe refuse d’abord de participer à un concile convoqué par Constance sous prétexte de son âge, le concile est alors déplacé à Milan où une trentaine d’évêques se soumet et signe les résolutions du concile ; parmi eux, Denis nommé par Eusèbe évêque de Milan. Lorsqu’il rejoint le concile, Eusèbe refuse de signer derrière son disciple, brûle le document et retourne les évêques signataires qui refusent de signer à nouveau !  Avant de l’exiler en Palestine en même temps que Denis de Milan, Constance livre alors Eusèbe aux ariens qui le rouent de coups. En exil, il a droit à un cachot étroit où il ne peut pas se tenir debout et qui rappelle les cages de Louis XI. L’arrivée au pouvoir de Julien l’apostat permet une certaine liberté de culte et met fin à l’exil d’Eusèbe et des opposants du concile.

Le pape Libère a bien été exilé pour avoir combattu l’arianisme mais ce pape laisse un drôle de souvenir et la Légende dorée en fait un personnage méprisable. Pendant l’exil de Libère, l’antipape Félix excommunie Constance qui le destitue aussitôt et rappelle Libère. Celui-ci, « amolli par l’exil », se résigne à tolérer l’arianisme et les persécutions reprennent « avec l’assentiment tacite de Libère ». Il semble qu’un débat perdure dans l’Eglise sur la position de Libère qui, pour le moins, a dû mettre de l’eau dans son vin (de messe) et calmer le jeu face à Constance. S’il a toléré l’arianisme, ou y a a adhéré, c’est un argument de poids aux opposants à l’infaillibilité papale.

A la mort de Julien, Valentinien devient empereur d’Occident (il est appelé Jovinien dans la Légende). Il favorise les catholiques et s’appuie sur Ambroise de Milan alors qu’en Orient Valens reste arien. Les empereurs se succèdent et Théodose arrive au pouvoir en 379. Il convoque le concile de Constantinople (381) qui condamne définitivement l’arianisme et complète le Credo du concile de Nicée.

Ce n’est pas pour autant que l’arianisme disparaît ! En effet, l’apôtre des Goths, Ulfilas, est arien et les peuples germaniques Wisigoths, Ostrogoths, Burgondes et Vandales ont adopté cette foi… et ils persécutent les orthodoxes lorsqu’ils envahissent l’occident. Les Lombards qui suivent sont aussi ariens et ce culte persistera jusqu’au VIIe siècle.

Il reste un « baptistère des Ariens » à Ravenne. La coupole montre Jésus nu, avec un sexe à peine voilé par l’eau du Jourdain. Je n’avais pas saisi que cette nudité était pour bien montrer la nature humaine du Christ.

Baptistère des Ariens

Loup de Troyes et Germain d’Auxerre vont combattre l’hérésie en Angleterre et convertissent les Saxons. De leur côté, les Francs sont restés païens et bénéficient de l’appui de l’Eglise catholique lors de leur conversion.

La nature du Christ a encore été discutée, et le sera encore. Au moment de la Réforme, Michel Servet a été condamné au bûcher pour arianisme.

D’après Jacques de Voragine –  La Légende dorée


Publié

dans

par

Étiquettes :