Mali, ô Mali

Madame Bâ est de retour, et c’est tant mieux ! Il y a 10 ans, Orsenna nous offrait son merveilleux « Madame Bâ » qui racontait le Mali, la Françafrique et les relations compliquées que nous entretenons avec l’immigration.

Au moment où le nord du Mali connait la guerre civile, Madame Bâ, née Dyumasi, décide de retourner dans son pays pour y mettre de l’ordre. Il faut dire que c’est une sacrée personnalité, ancienne instit, militante de la cause des femmes et de la contraception, femme indomptable qui se prend facilement pour Jeanne d’Arc. Ses amis parlent d’elle en disant que c’est une Grande Royale.

Elle quitte l’extrême-nord du Mali (Villiers-le-Bel) accompagnée de Michel, le petit-fils que nous avons découvert dans Madame Bâ. Elle décide d’en faire son griot personnel, le renomme Ismaël et c’est lui qui va faire le récit de cette expédition qui a des cotés tragicomiques.

Accueillie par sa famille, Madame Bâ écoute les témoignages des réfugiés, nous emmène au Niger, au Sénégal, avant d’aller se frotter aux djihadistes à Tombouctou. Cet itinéraire permet de décrire le bordel ambiant à tous les niveaux : les capitaines qui donnent des ordres aux généraux ; les femmes de ministre, prédatrices qui font flamber la carte de crédit ; les trafiquants de tout poil (et surtout de cocaïne) qui arrosent pour être tranquilles… C’est un sacré réquisitoire mais raconté avec le sourire sur un ton de conte africain. Nos certitudes d’occidentaux sont aussi remises en question, par exemple notre vision des Touaregs que nous apprécions car « il ne sont ni noirs ni arabes ».

Le ton change toutefois quand on aborde réellement les méfaits des djihadistes, « ces fous de Dieu, par ailleurs gangsters et trafiquants [qui] menacent le Mali tout autant que la France ». Avec son aplomb habituel, Madame Bâ rouvre une école et se trouve bien vite confrontée aux tyrans locaux qui font régner la peur et l’ignorance.

Orsenna ne nous livre pas un simple documentaire sur la vie politique au Mali, il nous fait faire une virée avec les Africains, partager leur vie, leurs joies, le goût de la musique, de l’espace. Les pages sur la remontée du fleuve Niger sont superbes, font de ce fleuve un personnage à part entière.

Erik Orsenna – Mali, ô Mali – Stock 2014


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