Le club des incorrigibles optimistes

Deux bons romans à la suite, c’est rare ! Après Mapuche me voici dans un joli roman d’initiation qui évoque les années 60 et y mêle adroitement une histoire de réfugiés des pays de l’Est.

On va suivre le jeune Michel Marini pendant ses années de collège et de lycée et ce livre et d’abord une chronique familiale. Ses parents de milieux très différents travaillent ensemble dans l’affaire familiale et le roman évoque joliment les évolutions du mode de vie, de la consommation pendant ces 30 glorieuses. La famille éclate aussi avec le départ du frère pour l’Algérie, puis son exil et la séparation des parents. En parallèle, Michel découvre le monde avec les amis de son grand frère ; Pierre, le surveillant qui lui fait découvrir le rock, et sa sœur Cécile. C’est aussi un gamin expert en babyfoot qui écume les bars de la Contrescarpe, de Maubert et de Denfert.

En revanche, Michel côtoie peu les enfants de son âge, déteste les maths et se réfugie dans la lecture. Lecteur boulimique qui lit en marchant, il découvre les grands auteurs, se passionne pour Dostoïevski et Kasantsakis, apprécie les romanciers en fonction de leur vie et lit leur œuvre en intégralité. C’est la lecture qui lui fera rencontrer son premier amour, Camille, qu’il ne se résout pas à voir partir.

Dans un des bars qu’il fréquente pour le baby, Michel s’étonne de visiteurs silencieux qui se réfugient dans une arrière-salle. Petit à petit, il va s’y intéresser et s’intégrer à ce club de joueurs d’échec que fréquentent aussi Sartre et Kessel. Michel va apprendre à jouer aux échecs, il va surtout découvrir des personnages extraordinaires : Igor, Imré, Vladimir, Leonid, Werner…. tous originaires des pays de l’Est, passés à l’Ouest et nostalgiques mais qui livrent de bonnes blagues soviétiques. Leur expérience en fait des optimistes forcenés qui disent « tu es vivant, ne te plains pas, pour toi tout est possible ! » ou « Tu nous emmerdes avec tes problèmes. Tu es vivant, profites-en pour vivre ! ». Petit à petit, nous découvrons leurs vies, leur parcours, leur départ pour échapper aux purges ou par amour. Quelques-uns sont taxis et je pense que l’auteur rend hommage aux Nuits de princes de Kessel. Cette bande hétéroclite est surveillée par les RG mais refuse que Sacha s’y intègre. Michel va aussi se lier d’amitié avec cet homme qui semble différent des autres et dont on connaîtra le terrible secret à la fin.

Ce gros roman foisonnant évoque aussi la guerre d’Algérie, les rapatriés ; il offre des histoires d’amour et d’autres moins joyeuses. Il se lit d’une traite, jamais poussif, avec un style fluide très agréable et des personnages qui resteront longtemps gravés dans notre mémoire.

J’aime bien ce que dit l’auteur : Il y a des livres qu’il devrait être interdit de lire trop tôt. On passe à côté ou à travers. Et des films aussi. On devrait mettre dessus une étiquette : ne pas voir ou ne pas lire avant d’avoir vécu.
et à propos des films à classer en deux catégories: ceux dont on peut parler pendant des heures après les avoir vus et ceux dont il n’y a rien à dire.

Jean-Michel Ghenassia – Le club des incorrigibles optimistes – Albin Michel 2009 – Poche 2013

 


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