Pour en finir avec Eddy Bellegueule

9782021117707Quand Édouard Louis a débarqué dans le paysage littéraire, c’était un beau gosse de 21 ans, voix grave, normalien qui cite Bourdieu dans toutes ses interviews. Son roman fortement autobiographique est un témoignage bouleversant et poignant.

« De mon enfance, je n’ai aucun souvenir heureux. » C’est la première phrase de ce livre qui retrace l’enfance d’Eddy, jusqu’au lycée ; cela donne le ton. Eddy Bellegueule voit le jour dans un trou de Picardie où les habitants vivent entre eux, le but est d’être « un dur », en gros un soulard macho. C’est la norme admise par tout le monde, hommes et femmes, et Eddy détone avec sa fragilité d’asthmatique, son dégout du foot, son air efféminé et sa voix aiguë ; même sa mère aimerait qu’il soit moins « spécial ». Isolé, rejeté par les autres, maltraité au collège pour son apparence de « pédé », le pauvre gamin tente à tout prix de rentrer dans la norme, d’intégrer le code social et de renier son attirance pour les hommes. Le passage au lycée lui permet enfin de s’évader de son monde.

Certes, il y a le parcours personnel d’Eddy qui montre la difficulté à être différent, à s’assumer, l’intolérance permanente. Mais ce parcours se déroule dans un milieu bien précis et sa description est un vrai réquisitoire. La misère économique et intellectuelle, le chômage, l’insalubrité des logements, l’emprise de la télé ou de l’alcool, le racisme… autant de paramètres dénoncés dans ce document qui offre une analyse sociale d’un prolétariat pourtant réel. Par moments, la dénonciation parait excessive, irréelle, et on a du mal a croire que cela se déroule dans les années 80-90, c’est tout bonnement glaçant.

Edouard Louis – Pour en finir avec Eddy Bellegueule – Seuil 2014

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