
La Fondation Vuitton est revêtue d’un habillage coloré, pensé par Buren, qui alourdit la silhouette de cet élégant bâtiment. La Fondation accueille jusqu’en février les œuvres de la collection Chtchoukine, un collectionneur russe du début XXe.
Magnat du textile, Sergueï Ivanovitch Chtchoukine a acheté par brassées les œuvres des peintres « modernes » de la fin XIXe et début XXe. De 1898 à 1914, il réunit une collection de 275 œuvres, principalement des peintures ; à voir l’inventaire (54 Picasso, 41 Matisse, 11 Cézanne, 16 Gauguin, 13 Monet…), on pourrait croire à l’achat compulsif d’un malade mais c’est une vraie passion pour les peintres français qui s’est exprimée. Ses choix n’ont pas toujours été compris de ses compatriotes mais Chtchoukine ouvrait son palais tous les dimanches, a permis aux moscovites et aux jeunes peintres de découvrir ses collections.

Parfois effrayé par sa propre audace, il refuse à Matisse La Danse et La Musique qu’il lui avait commandé mais se ravise et les placent dans l’escalier de sa résidence moscovite, le palais Troubetskoï. Avec ses achats massifs, il devient le mécène de Matisse.

L’exposition conçue par Anne Baldassari présente 130 pièces prêtées par les musées Pouchkine, Tretiakov et Ermitage où a été dispersée la collection (à voir ici). Elle offre un parcours bien conçu qui reflète l’éclectisme de Chtchoukine et met en valeur les chouchous qui bénéficiaient de salons dédiés dans son palais : Gauguin, Matisse et Picasso.


De Cézanne au Picasso cubiste, toute l’évolution et les courants de l’art sont représentés. J’ai été surpris par la diversité des artistes qu’il avait acheté (de Braque à Whistler, avec un surprenant Carrière) et j’ai particulièrement apprécié les toiles exposées de Derain et surtout Signac.


Le collectionneur a eu un coup de cœur pour Gauguin, une de ses toiles illustre l’affiche, et une salle entière lui est consacrée, plus aérée que les précédentes.


L’exposition présente un beau choix d’œuvres cubistes. Les achats ayant cessé avec la 1ere Guerre, les Picasso de la collection sont de la période bleue ou cubistes, et restent compréhensibles.



Le point d’orgue de cette exposition magnifique est bien entendu la collection de Matisse ; le nombre d’œuvres fait déjà une belle monographie de ce peintre !



Avec cette exposition, je comprends pourquoi on dit qu’il faut aller en Russie pour voir de belles collections impressionnistes ! L’idée de faire valoir le travail d’un collectionneur ne m’avait jamais semblé aussi judicieuse.
Chtchoukine n’a pas acheté de peintres russes mais, en ouvrant les portes de son palais, a permis à une avant-garde de se former au contact de sa collection ; c’est une bonne idée de montrer les œuvres des peintres russes qui se sont frottés à cette modernité.
Icônes de l’art moderne, la collection Chtchoukine – Fondation Louis Vuitton, Paris, jusqu’au 20 février 2017.