Evasion

Benjamin Whitmer – Evasion, traduit par Jacques Mailhos – Gallmeister 2018.

Les premiers chapitres de ce roman sont une plongée dans un bain de violence d’une rare intensité, poussée au niveau de Ellroy mais sans la vulgarité, ce qui la rend encore plus forte. Accrochez-vous et vous allez découvrir un superbe roman d’une noirceur infinie mais subtil et très puissant. Le roman se déroule en 1968 mais reste tout à fait actuel ; il dresse le portrait d’une Amérique ravagée, raciste, haineuse, pauvre, déclassée ; exactement celle qui a voté Trump.

Noël 1968, une douzaine de détenus s’évadent de la prison de Old Lonesome, au fin fond du Colorado, alors même que sévit une tempête de blizzard. Une chasse à l’homme impitoyable se met en place, menée par le directeur Jugg, véritable dictateur de la prison et de la ville. Les gardiens ou les journalistes qui participent à cette traque sont marqués par la guerre, en Europe, Corée ou Viet-Nam ; quelques-uns y ont laissé des neurones, la plupart sont conditionnés par ce qu’ils ont vécu sur le champ de bataille. Le roman n’évoque pas seulement la chasse à l’homme mais s’attarde aussi sur l’histoire des protagonistes, vue avec différentes focales, et parvient dresser des portraits sensibles de ces brutes.

Quelques personnages sortent du lot : Mopar Horn, évadé obnubilé par Molly
dont il a tué le mari ; sa cousine Dayton qui part à sa recherche et se révèle une sacrée bonne femme qu’il ne faut pas embêter ; Jim Cavey, gardien atypique, pisteur hors pair qui est englué dans ses conflits internes et Charles Coleman, le garagiste noir qui ne hurle pas avec les loups.

Tous les habitants de la ville sont concernés par l’évasion et ce roman décrit une société désespérée, à bout de souffle, un microcosme englué dans la pauvreté et la misère.


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