Le jour où mon père s’est tu

Robert Linhardt est surtout connu grâce au livre L’établi qui raconte son expérience d’intello allant à l’usine dans les années 1970. C’était la grande mode à l’époque de partager les souffrances des travailleurs pour mieux les sensibiliser au combat politique. Il reste que le témoignage de son expérience dans les usines Citroën est formidablement intéressant (disponible au éditions de Minuit).

Sa fille nous offre dans ce livre un retour très personnel sur 68, les mouvements gauchistes de l’époque, l’évolution des participants et de leurs enfants. C’est un récit très attachant car c’est aussi une recherche sur son père.

Cet homme, brillant normalien, a été un des dirigeants de la gauche prolétarienne (maoïste), très proche de Louis Althusser. Il est devenu mutique et dépressif et sa fille le redécouvre grâce à cette enquête et aux témoignages de ses compagnons de lutte.

Virginie Linhardt nous raconte la période 68 en creux, au travers des témoignages des enfants des militants. Elle confronte sa propre histoire à celles des fils et filles des dirigeants gauchistes de l’époque (Krivine, Geismar, Castro…).

On retrouve pas mal de points communs : les enfants ont été sacrifiés à la Cause, n’ont pas connu de vie familiale structurée, certains ont vécu dans les communautés, mais à tous, les parent ont demandé l’excellence scolaire. Adultes, ils rejettent presque tous le militantisme, sont plutôt progressistes mais donnent une éducation stricte à leurs enfants.

La génération des leaders de 68 a pas mal évolué et s’est aussi embourgeoisée, mais certains sont restés sur le coté de la route, incapables d’évoluer et de s’intégrer à la société. Leurs enfants ont quasiment tous choisi un mode de vie en opposition avec eux, la seule idée qui soit intégrée est le féminisme et l’égalité hommes-femmes.

Tout au long de ce livre, l’auteur découvre les raisons profondes de certains de ses choix personnels et professionnels. Elle se livre avec beaucoup de pudeur et nous dévoile aussi l’évolution de son père brillantissime intellectuel qui a explosé en plein vol.

Virginie Linhardt – Le jour où mon père s’est tu – Le Seuil 2008


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