Le Turquetto

Enfin un bon roman ! un vrai plaisir de lecture grâce à une histoire intéressante servie par une très belle écriture. Ce roman s’appuie sur la découverte d’une aberration chromatique dans la signature d’un Titien pour imaginer la vie d’un peintre vénitien du XVIe.

Istanbul 1531, Elie est le fils d’un juif émigré d’Espagne qui vit misérablement chez un marchand d’esclaves. Il a honte de ce père malade et préfère apprendre la calligraphie avec Djellal Bey le marchand d’encre ou aller à l’église du Sauveur s’imprégner des scènes religieuses qui ornent le plafond. Elie a appris tout seul à dessiner des portraits mais il est confronté aux interdits juifs et musulmans. A la mort de son père, il fuit Istanbul et part à Venise.

On le retrouve quelques années plus tard, l’auteur a sagement éludé la période d’apprentissage, ce qui permet de se retrouver au cœur de l’action. Devenu Elias Troyano, surnommé Turquetto, c’est un peintre renommé formé par Titien. Il est protégé par Cuneo, grand maître de la Scuola grande di San Stefano qui se développe au détriment de la Scuola Grande di San Rocco. Cuneo lui demande une Cène pour décorer le réfectoire de son oeuvre, le résultat est admirable mais précipite sa perte car elle fait ressortir sa judéité.

Doublement condamné à mort par le tribunal de l’Inquisition il fuit et retourne à Istanbul renouer avec ses racines.

Ce livre m’a vraiment beaucoup touché. Il sait décrire les peintures et les émotions qu’elles procurent de façon habile, sans être grandiloquent ; la description de Venise, de ses personnages politiques, de leurs ambitions, leurs rivalités et des querelles de pouvoir est très réaliste et le récit se transforme en roman à suspens. La vraie trame de ce livre est l’intolérance religieuse, l’aveuglement qu’elle entraîne, mais aussi la puissance de l’amitié et l’importance des racines ; ces thèmes en font un roman universel.

 

Metin Arditi – Le Turquetto – Actes Sud 2011


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