Beloved

Vers 1870 à Cincinnati, le 124 Bluestone Road est une maison étrange, où les habitants sont maltraités par le fantôme d’un enfant. Sethe et sa fille Denver y habitent, les garçons ont fui il y a quelques années. Un jour, Paul D Gardner les rejoint et fait fuir le fantôme mais une jeune femme, Beloved, arrive et va semer le trouble dans la maison.

Beloved est le seul mot que Sethe a pu faire graver sur la tombe d’un de ses enfants, la jeune fille est son incarnation, qui va chasser Paul D, rendre Sethe presque folle et éloigner Denver. Sethe va s’en sortir, aidée par Denver et les voisines qui vont la secourir pour éviter que « les erreurs du passé puissent prendre possession du présent ».

Paul D a connu Sethe il y a quelques années, ils étaient esclaves dans le même domaine du Bon Abri dans le Kentucky. Gardner, leur maître, était assez tolérant mais quand il est mort, c’est Maître d’Ecole qui a pris la charge du domaine et a mené une vie d’enfer aux esclaves. Sethe a pu s’enfuir et rejoindre Baby Suggs, sa belle-mère qui s’était réfugiée dans l’Ohio (Etat abolitionniste) après avoir été rachetée par son fils ; Paul D et ses compagnons n’ont pas eu cette chance.

Le récit n’est pas linéaire et nous offre un roman très dense. Au fur et à mesure, on découvre le passé des personnages et on comprend leur attitude. On découvre le drame qui s’est déroulé il y a 18 ans, juste après la fuite de Sethe et on en devine ses raisons sans qu’il y ait un flashback systématique. La 4e de couverture le dévoile, on peut le dire :  Sethe a égorgé son bébé, « elle a choisi le mal pour éviter le pire ». Ce livre est une très belle réussite littéraire, il faut juste admettre un tout petit peu de surnaturel, mais cela va bien dans l’ambiance qui est décrite.

J’ai déjà lu des livres sur l’esclavage, je ne me rappelle plus de La case de l’Oncle Tom, mais j’ai beaucoup aimé Jubilee et même le plus feuilletonesque Racines, mais aucun n’a cette force. Avec un économie de moyens assez extraodinaire, juste des évocations, Toni Morrison nous fait revivre les conditions inhumaines de l’esclavage : les esclaves considérés comme un cheptel reproducteur dont on vendra les enfants pour rentabiliser l’exploitation, des objets sexuels, des animaux qui n’ont pas à avoir de sentiments. Et pour faire bonne mesure, on les bat, on leur met un mors, on les abat comme les bêtes quand ils ont irrécupérables.

Ce superbe livre a eu le Prix Pulitzer, je sens que je vais bien vite lire d’autres romans de Toni Morrison, auteur récompensé par le Nobel de Littérature.

Toni Morison – Beloved, traduit par Hortense Chabrier et Sylviane Rué – 10-18 1989


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